Le prix Olof Palme décerné à la Directrice de La Alianza Guatemala


La Directrice de La Alianza Guatemala s’est vu décerner le Prix Olof Palme le 5 novembre dernier à Barcelone. Cette médaille a été remise à Carolina Escobar Sarti en reconnaissance pour “son parcours et son courageux travail au sein de La Alianza, mais aussi dans le but de sensibiliser le public sur les conditions sociales et humaines déplorables dans lesquelles vivent tant de jeunes filles au Guatemala, et qui tentent, malgré les difficultés, d’en sortir grâce à l’accompagnement efficace de La Alianza”. (Discours de la Présidente Anna Balletbò Puig lors de la cérémonie).

À cette occasion et avec beaucoup d’émotions, nous donnons la parole directement à la Directrice Carolina Escobar Sarti :

Je viens d’un milieu intense. Je suis née la même année que le début de la guerre civile au Guatemala (*ndrl 1960) et bien que personne n’en parlait dans ma famille, cela a définitivement influencé ma posture face à la vie. La première fois que j’ai vu des corps entassés les uns sur les autres, inertes, sur le bord d'une route, j’étais tout juste une adolescente. Mon arrière-grand-père, que j’aimais tant, était ambassadeur, avocat et écrivain, il fut l’un des signataires du Mémorial des 311 pour déroger le dictateur Ubico en 1944, tout comme mon grand-oncle également signataire du mémorial, qui était avocat et ministre de l’économie et du travail. Les discussions politiques étaient très animées dans la famille mais elles restaient entre les murs de la maison de peur des représailles. Je suis la petite dernière d’une famille de 5 enfants, nous avons eu une enfance heureuse, remplie d’activités artistiques, sportives et culturelles. Très tôt je me suis mise à écrire des vers sur les murs de ma chambre et aujourd’hui encore sur ceux de ma maison. J’ai publié plusieurs livres de poésie et cela fait 26 ans que j’écris dans les colonnes de journaux. J’ai grandi dans un pays profondément conservateur, patriarcal et machiste, où les pères criaient sur le mères, les hommes frappaient les femmes et où le corps des femmes étaient des trésors de guerre, appartenant à tous. J’ai été sensibilisée très tôt aux droits des femmes, et cela m’a suivi toute ma vie.

En 2010, je suis devenue directrice de La Alianza et depuis lors, j’ai eu la responsabilité légale de plus de 700 jeunes filles (ainsi que nombre de leurs enfants) qui sont passés par La Alianza. C’est un travail intense et passionnant.

Je vous assure, dans le foyer, aucun jour ne se ressemble, mais le fil conducteur qui les relie c’est l’intensité de chacun d’entre eux. Et bien que le planning soit établi depuis des semaines, tout peut basculer. Une adolescente peut s’être coupée, ou bien peut avoir ramené un couteau dans l’enceinte de la résidence, ou tout simplement souhaiter parler avec moi dans mon bureau.

Notre travail est indispensable car La Alianza est devenue une référence en matière de prise en charge globale des enfants et des adolescent·e·s grâce à un modèle qui a fait ses preuves au niveau national et international. Nous avons prouvé qu'un système de prise en charge complet fonctionnait s'il reposait sur les axes suivant : prévention, protection, accès à la justice et plaidoyer. Notre approche est basée sur les droits humains et non sur de l'assistanat. Les enfants et les adolescent·e·s que nous prenons en charge sont au cœur de notre travail, et il est parfois difficile de parler de résultats et d’indicateurs lorsque nous parlons d’humains. Mais nous croyons qu’au-delà de toutes les compétences professionnelles et techniques que nous pouvons avoir, il y a surtout de l'amour et du respect pour chacune des jeunes filles accueillies.

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Carolina Escobar Sarti
Directrice de La Alianza Guatemala