Ramón Muñoz


L’Amérique latine est au cœur d’une crise institutionnelle, politique et humanitaire profonde. Il en est de même pour ses institutions démocratiques. Nous étions nombreux à penser qu’à la fin de la période des dictatures en Amérique centrale et en Amérique du sud, la région progresserait régulièrement et abaisserait son taux de pauvreté. 

Malgré quelques progrès, nous voyons maintenant comment certains projets politiques et certaines idéologies remettent en question les principes essentiels de la construction de sociétés inclusives, rejetant de manière frontale les normes et principes internationaux auxquels la grande majorité des États ont adhéré. Nous avons d’un côté la rhétorique internationale et, de l’autre côté, la dure réalité des promesses non tenues et des politiques inefficientes ainsi que le manque de ressources allouées pour combler les écarts existants entre les groupes sociaux. 

Au cours de la dernière décennie, nous nous attendions tous à des progrès significatifs en Amérique latine en ce qui concerne l’implémentation des obligations énoncées dans la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. De plus, nous avions également des attentes en matière de mise en œuvre des objectifs définis dans l’Agenda 2030 qui devraient avoir un impact sur les droits de la population mineure et devraient réduire la pauvreté, ainsi qu’améliorer les services de santé et d’éducation. 

Cependant, nous avons vu à quel point les progrès obtenus dans la région sont menacés par la mise en œuvre de politiques régressives, ce qui pourrait entraîner un recul important de la jouissance des droits des groupes et des populations les plus vulnérables. C’est pourquoi les États devraient fixer des priorités claires à l’attention de la population mineure, de sorte que les changements politiques récurrents dans la région ne constituent pas un facteur mettant en danger les politiques publiques de long terme en matière de soins. 

La migration massive des pays du triangle du nord, qui regroupe un grand nombre de jeunes et d’enfants non accompagnés, et le traitement accordé à ce phénomène aux États-Unis, montrent clairement que seule une politique globale coordonnée par les pays d’origine et les pays destinataires peut offrir des espaces de protection adéquats et l’application des normes internationales prévues par les instruments régionaux et internationaux. 

D’autre part, la migration massive de la population vénézuélienne, qui a touché toute la région, représente un nouveau facteur qui impliquera sans aucun doute de nouveaux défis pour les sections de Casa Alianza en Amérique centrale et au Mexique. Des rapports récents montrent qu’une partie très importante de cette population migrante est composée d’enfants et de jeunes pouvant être exposés aux risques d’exploitation sexuelle et d’exploitation professionnelle. Outre le phénomène vénézuélien, la crise au Nicaragua a généré une migration massive au Costa Rica et dans les pays voisins. Plus de 85'000 nicaraguayens, dont beaucoup demandent l’asile, ont causé le débordement des capacités d’accueil du Costa Rica. 

Depuis sa création, il y a 22 ans, la section suisse de Casa Alianza fournit un appui essentiel à ses homologues sur le terrain. Sa contribution a permis d’assister des milliers de jeunes et enfants qui, pour différentes raisons, ont été exclus et soumis à des conditions de vie indignes. De ce fait, le travail régulier de Casa Alianza a permis à ses bénéficiaires de reconstruire leurs vies et de pouvoir maintenant regarder l’avenir avec espoir. 

Je ne ferai pas référence aux chiffres contenus dans ce rapport mais je voudrais tout de même mentionner un aspect qui pourrait peut-être passer inaperçu aux yeux de nombreux lecteurs : il s’agit de remercier expressément toutes les personnes, tant en Suisse que dans chacun des pays où Casa Alianza entreprend ses activités, qui ont permis, grâce à leur travail, que cette organisation continue à accomplir ses tâches. Il s’agit sans aucun doute du capital le plus important de toute organisation. En outre, il y a également toutes les personnes qui ont bénéficié du soutien et des programmes mis en place. Elles nous permettent de fixer un objectif qui, même lorsqu’il est éloigné, nous pousse tous les jours à continuer d’apporter notre soutien à l’organisation. 

J’invite tous ceux qui ont contribué à rendre ce travail possible, d’une manière ou d’une autre à renouveler leurs efforts car, dans le domaine de la protection des droits, malgré les quelques buts atteints, l’horizon s’éloigne chaque fois que nous faisons un pas dans cette direction. 


Ramón Muñoz
Directeur du Réseau International des Droits Humains (RIDH)